lundi 1 avril 2013

Hayachine Take Kagura à la MCM

Comme chaque année depuis 1997, le Festival de l'Imaginaire propose au printemps une sélection de rituels, jeux ou formes spectaculaires rares, inscrites au patrimoine mondial de l'humanité. Et comme chaque année, j'enrage ne pas être plus disponible en soirée et de rater des événements exceptionnels tel qu'une nuit entière de Wayang Kulit - théâtre d'ombre indonésien - à la Cartoucherie de Vincennes, le 23 mars dernier.


Hier après-midi j'ai découvert le Hayachine Take Kagura à la Maison des Cultures du Monde. Le kagura est un rituel dansé dont les villageois du village de Take (au pied du mont Hayachine - préfecture d'Iwate), se sont réapproprié la pratique en secret, et ont ainsi contribué à sa sauvegarde. C'est à la fois un rituel de purification et un divertissement pour les Dieux et les hommes. Le take kagura se déroule habituellement lors de la fête du sanctuaire de Hayachine (31/07 et 01/08), mais aussi à l'occasion de diverses fêtes annuelles. Les membres de la troupe se déplacent également de maison en maison au printemps, et effectuent notamment la danse protectrice du gongen - incarnation du Mont Hayachine.

Lors des grandes fêtes, les représentations ont lieu sur une petite scène carrée installée à l'entrée du sanctuaire de Hayachine. Celle-ci est délimitée par quatre piquets reliés entre eux par une cordelette à laquelle sont suspendus des origamis sacrés. Cet espace est interdit aux non-praticiens. Sur le devant de la scène dos au public, un tambourinaire, entouré deux joueurs de cymbales, dirige la représentation. Les acteurs-danseurs entrent et sortent en passant sous un rideau sombre en fond de scène, sur lequel sont symbolisés deux grues qui s'affrontent. Un flûtiste et des narrateurs-chanteurs sont cachés derrière le rideau, ce sont les voix des Dieux. Les costumes, accessoires, masques et coiffes des danseurs dépendent du personnage ou de la divinité qu'ils représentent. Il y a cependant des constantes. Quasiment tous portent le kabuto, grande coiffe surplombée d'une poule dont les grandes ailes battent pendant la danse, (J'avoue qu'en ce jour de Pâques, avec mes références chrétiennes/occidentales, ça faisait bizarre) ; et un bâtonnet à grelots et un éventail blanc, coincés dans leur ceinture de kimono lorsqu'ils ne l'utilisent pas. Je suis restée à la fois fascinée et frustrée de ne pas comprendre la superposition des différents tissus qui composent les costumes. J'aurais aimé quelques explications ou une démonstration d'habillage pour compléter ma découverte et assouvir ma curiosité.

Le répertoire de Take compte près de soixante-dix kagura. Les représentations durent plusieurs heures et débutent toutes par six shikimai, rituels de purification et/ou invocations des divinités ou défunts. Elles se poursuivent par des danses appartenant à divers registres : annamai (gracieux et féminins), kaminai (inspirés des origines historiques et mythologiques du Japon), aramai (assimilés à des exorcismes) ou des récits guerriers et des dialogues comiques de kyogen. Elles se terminent invariablement par la danse du lion noir - gongenmai et par un rite d'offrande d'eau, de riz et de saké aux quatre points cardinaux. Personne ne revient ensuite dans l'espace sacré. Lors de l'introduction du spectacle, ce détail a été mis en avant afin que le public occidental que nous sommes ne s'offusque pas que la troupe ne revienne pas saluer.

Le programme proposé se décomposait en sept parties. Chacune était introduite par une brève explication, en surtitrage, du type de répertoire et de l'argument. Ces informations étaient bienvenues mais pas toujours suffisantes. En effet, la quatrième saynète relatait un récit mythologique réputé être à l'origine du kagura, mais j'ai été absolument incapable de suivre l'argument n'étant pas familière avec les symboles, les références et les personnages. Par contre, lors de saynètes plus abstraites, la force de la danse et du rituel permettaient de dépasser la frontière de la compréhension, notamment le gongenmai final. Interprété par un des acteurs-danseurs les plus âgés de la troupe, on assiste ébahi à sa transformation en lion noir, qui expulse les démons d'un claquement de mâchoire.

Origine du kagura : Amaterasu, déesse du Soleil, en colère contre son frère se retire dans une grotte, privant ainsi la terre de lumière et de chaleur. Cherchant un moyen de la faire sortir, Ameno Uzume, divinité de l'aube et de la gaîté se mit à danser de manière lascive et grotesque. L'hilarité des Dieux fut telle qu'Amaterasu intriguée, sortit de la grotte et la lumière revint dans le monde.
Il y a quatre ou cinq siècles, les kagura étaient exécutés par les prêtresses du culte d'Ameno Uzume, puis le rituel devint impérial et inspira des variantes villageoises qui se développèrent à travers tout le Japon. La version d'Hayachine Take remonterait au XVIème siècle. Attribuant un caractère sacré à la montagne d'Hayachine, les villageois construisirent à ses pied un sanctuaire shinto-bouddhique dont les officiants pratiquaient l'art théâtral du kagura.  Lors de la séparation entre le shintoïsme et le bouddhisme à l'époque Meiji, le rituel devint interdit mais les habitants du village de Take poursuivirent la tradition en secret.



Hayachine Take Kagura
jusqu'au 1er avril, 
à la maison des Cultures du Monde, 101 bd Raspail Paris 6ème
Tarif plein : 22 euros.
En tournée le 3 avril au Trident de Cherbourg
Festival de l'Imaginaire
du 20 mars au 29 juin 2013
www.festivaldelimaginaire.com

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