Dans le cadre de son festival Sur les Frontières, le théâtre national de Chaillot propose une cérémonie des derviches tourneurs soufi Mevlevi de Turquie.
Le rituel commence par une introduction musicale pour préparer à l'arrivée des "hommes-toupie" et à la danse elle-même appelée sema. Les derviches entrent dans l'espace scénique avec beaucoup de lenteur et en font trois fois le tour en s'inclinant face à celui qui est derrière eux, avant de reprendre leur déambulation. Ils s'alignent ensuite sur le bord du plateau, et laissent tomber au sol leur long manteau noir, dévoilant leur tenue blanche immaculée. Ils se mettent alors à tourner lentement d'abord bras croisés sur la poitrine puis de plus en plus vite, bras ouverts la main droite tournée vers le ciel pour récolter la grâce d'Allah et la main gauche tournée vers le sol pour la répandre vers les hommes. C'est vraiment un spectacle envoutant et impressionnant que de les voir tourner ainsi. La cérémonie se termine par une série de prières.
Les instruments qui accompagnent ce rituel sont une flûte ney, une cithare qanun, un tambour sur cadre daf et un luth tanbur interprété par le chanteur.
Voir une vidéo des Derviches tourneurs.
Le sema a été inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO en 2008.
Malheureusement, hier soir à Chaillot je n'ai pas senti le public se laisser emporter par la magie de la cérémonie. Il est resté complètement décontenancé par le rituel qui accompagnait le sema lui-même, n'en ayant pas les codes. Un effort pédagogique à travers un programme de salle aurait été le bienvenu pour aider le public à entrer dans cet univers mystique.
Derviches tourneurs
le 27 avril à 15h et 21h30,
au Théâtre National de Chaillot, Place du Trocadéro, Paris 16ème
Plein tarif 33 euros
Festival sur les Frontières
jusqu'au 28 avril 2013
www.theatre-chaillot.fr
samedi 27 avril 2013
mardi 23 avril 2013
Muqam des Dolan au Théâtre de la Ville
Deuxième spectacle dans mon abonnement au Festival de l'Imaginaire, j'ai pu découvrir hier le Muqam des Dolan.
Le muqam est la forme traditionnelle classique de la musique ouïgoure. Les Ouïgours sont une ancienne civilisation turque que l'on retrouve dans le turkestan chinois (région de Xinjiang) autours du désert du Taklamakan (nord ouest de la Chine). Vivant dans une bande verdoyante au bord du désert, les Dolan sont un sous-groupe ethnique ouïgure avec des origines mongoles. Le Muqam Dolan a été proclamé par l’UNESCO chef-d’œuvre du patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2005.
Festival de l'Imaginaire
du 20 mars au 29 juin 2013
www.festivaldelimaginaire.com
Le muqam est la forme traditionnelle classique de la musique ouïgoure. Les Ouïgours sont une ancienne civilisation turque que l'on retrouve dans le turkestan chinois (région de Xinjiang) autours du désert du Taklamakan (nord ouest de la Chine). Vivant dans une bande verdoyante au bord du désert, les Dolan sont un sous-groupe ethnique ouïgure avec des origines mongoles. Le Muqam Dolan a été proclamé par l’UNESCO chef-d’œuvre du patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2005.
L'ensemble se compose de chanteurs solistes, muqamqi, et d'instrumentistes. Les instruments sont le rawap, luth à trois cordes, une vièle ghijak et une cithare sur table nommée qalun. Les chanteurs rythment la musique en frappant des dap, tambours sur cadre. Les chants tournent autour du thème de l'amour et sont lancés par le chanteur soliste. Chaque musicien interprète à sa manière une mélodie commune, ce qui donne une impression de discordance, mais c'est une choix voulu pour donner plus de profondeur à la musique. J'ai été en effet frappée de voir que chaque musicien semblait complètement immergé dans son monde, et pourtant l'ensemble restait en quelque sorte "harmonieux". Chaque chanteur, par exemple, frappait de façon à la fois similaire et différente sont dap.
Le dolan muqam est une musique très festive et réjouissante. Elle est donnée à l'occasion des événements heureux de la vie : mariage, récolte, circoncision... et s'accompagne de danses et des rituels (service du thé, jeux de l'époussetage). C'est une ambiance touchante et bon enfant qui se dégage et qui a bien été transmise hier à la salle du théâtre de la Ville, malgré un rapport scénique différent.
Le Muqam des Dolan
concert enregistré par France Musique et diffusé le mercredi 26 juin à 22h30 dans l'émission "Couleurs du Monde". Festival de l'Imaginaire
du 20 mars au 29 juin 2013
www.festivaldelimaginaire.com
mercredi 10 avril 2013
Dynamo au Grand Palais
Plutôt en veine en ce moment - je devrais peut-être jouer au Loto - j'ai gagné, grâce à la RMN, une invitation pour la soirée d'inauguration de l'exposition Dynamo : un siècle de lumière et de mouvement dans l'art 1913-2013.
Hier soir donc, vers 21h30 je me rapproche du Grand Palais. Ambiance dès l'arrivée, nous sommes accueillis par "une sculpture de brume" (émanant de la fontaine centrale) de l'artiste japonais Fujiko Nakaya.
A l'entrée, le visiteur est invité à télécharger l'application gratuite de l'exposition qui permet de réagir en temps réel. A la fin de l'exposition un grand mur diffuse les photographies et commentaires diffusés à travers l'application. Non testé, car je n'ai pas de smartphone.
Comme le dit le titre, l'exposition regroupe des œuvres qui interrogent les notions d'espace, de vision, de lumière et de mouvement depuis un siècle. Il s'agit pour la plupart d'installation immersives ce qui rend la visite très ludique et participative. L'exposition débute par une section sur les contemporains et se conclut avec des œuvres pionnières. Le premier étage est consacré à la vision, déclinée selon les thématiques suivantes : claire-voie, permutation, concentrique excentrique, interférence, immersion, distorsion, tactile, trame et battement. Le rez-de chaussé aborde la notion d'espace avec les concepts d'abîme, de nuée, de champs de force, de halo, d'espace incertain, de maelström et de céleste.
Comme la plupart des expositions aux Galerie Nationales du Grand Palais, il faut prendre son temps. En 1h45 de visite, nous avons parcouru le rez-de-chaussée au pas de course car le site fermait. C'est d'ailleurs très dommage que pour cette soirée d'inauguration nous ayons été invités aussi tard, le temps mis à disposition ne permettant pas de profiter pleinement de toute l'exposition. Surtout que de nombreuses œuvres ne sont "allumée" ou "activées" que par intermittence, ou ne sont autorisée qu'à une jauge restreinte de participants, ce qui augmente le temps de visite.
Ce que j'ai trouvé très intéressant, c'est que je pouvais à la fois être hypnotisée par une série de lignes serrées sur une toile et être emportée par la brume chromatique d'Ann Veronica Janssens (son installation immersive oblige à faire la queue car seules 12 personnes peuvent y accéder en même temps, mais ça vaut la peine d'attendre !). La création in situ de Felice Varini sur la colonnade du Palais est très réussie. Le labyrinthe interactif du collectif GRAV floute le rapport à l’œuvre, par sa ressemblance à une attraction de fête foraine (sentiment renforcé lors de ma visite car je suivais une bande d'adolescents qui semblaient explorer une maison hantée).
C'est un voyage riche en sensations dont j'ai pu profiter dans des conditions privilégiées (pas de foule), mais qui pose fortement la question de l'affluence. Quand les salles d'exposition seront noires de monde, le spectateur pourra-t-il vraiment se rendre compte de la diversité des effets visuels en se déplaçant devant une œuvre ? Ressentir le malaise, l'oppression provoqué par certaines installations ? Etre déstabilisé par des effets d'optique ? Et tout simplement participer comme cela est proposé ?
Avertissement : Certaines installations comportant des stimulations lumineuses fortes peuvent présenter un risque pour les visiteurs souffrant d'épilepsie.
Dynamo : un siècle de lumière et de mouvement dans l'art 1913-2013
au Galeries Nationales du Grand Palais, entrée Champs-Elysées, avenue du Général Eisenhower, Paris 8ème
du 10 avril au 22 juillet 2013, de 10h à 20h, nocturne le mercredi jusqu’à 22h. Fermé le mardi.
Plein tarif : 13 euros
Application gratuite téléchargeable ici
www.grandpalais.fr
Hier soir donc, vers 21h30 je me rapproche du Grand Palais. Ambiance dès l'arrivée, nous sommes accueillis par "une sculpture de brume" (émanant de la fontaine centrale) de l'artiste japonais Fujiko Nakaya.
A l'entrée, le visiteur est invité à télécharger l'application gratuite de l'exposition qui permet de réagir en temps réel. A la fin de l'exposition un grand mur diffuse les photographies et commentaires diffusés à travers l'application. Non testé, car je n'ai pas de smartphone.
Comme le dit le titre, l'exposition regroupe des œuvres qui interrogent les notions d'espace, de vision, de lumière et de mouvement depuis un siècle. Il s'agit pour la plupart d'installation immersives ce qui rend la visite très ludique et participative. L'exposition débute par une section sur les contemporains et se conclut avec des œuvres pionnières. Le premier étage est consacré à la vision, déclinée selon les thématiques suivantes : claire-voie, permutation, concentrique excentrique, interférence, immersion, distorsion, tactile, trame et battement. Le rez-de chaussé aborde la notion d'espace avec les concepts d'abîme, de nuée, de champs de force, de halo, d'espace incertain, de maelström et de céleste.
Comme la plupart des expositions aux Galerie Nationales du Grand Palais, il faut prendre son temps. En 1h45 de visite, nous avons parcouru le rez-de-chaussée au pas de course car le site fermait. C'est d'ailleurs très dommage que pour cette soirée d'inauguration nous ayons été invités aussi tard, le temps mis à disposition ne permettant pas de profiter pleinement de toute l'exposition. Surtout que de nombreuses œuvres ne sont "allumée" ou "activées" que par intermittence, ou ne sont autorisée qu'à une jauge restreinte de participants, ce qui augmente le temps de visite.
Ce que j'ai trouvé très intéressant, c'est que je pouvais à la fois être hypnotisée par une série de lignes serrées sur une toile et être emportée par la brume chromatique d'Ann Veronica Janssens (son installation immersive oblige à faire la queue car seules 12 personnes peuvent y accéder en même temps, mais ça vaut la peine d'attendre !). La création in situ de Felice Varini sur la colonnade du Palais est très réussie. Le labyrinthe interactif du collectif GRAV floute le rapport à l’œuvre, par sa ressemblance à une attraction de fête foraine (sentiment renforcé lors de ma visite car je suivais une bande d'adolescents qui semblaient explorer une maison hantée).
C'est un voyage riche en sensations dont j'ai pu profiter dans des conditions privilégiées (pas de foule), mais qui pose fortement la question de l'affluence. Quand les salles d'exposition seront noires de monde, le spectateur pourra-t-il vraiment se rendre compte de la diversité des effets visuels en se déplaçant devant une œuvre ? Ressentir le malaise, l'oppression provoqué par certaines installations ? Etre déstabilisé par des effets d'optique ? Et tout simplement participer comme cela est proposé ?
Avertissement : Certaines installations comportant des stimulations lumineuses fortes peuvent présenter un risque pour les visiteurs souffrant d'épilepsie.
au Galeries Nationales du Grand Palais, entrée Champs-Elysées, avenue du Général Eisenhower, Paris 8ème
du 10 avril au 22 juillet 2013, de 10h à 20h, nocturne le mercredi jusqu’à 22h. Fermé le mardi.
Plein tarif : 13 euros
Application gratuite téléchargeable ici
www.grandpalais.fr
lundi 1 avril 2013
Hayachine Take Kagura à la MCM
Comme chaque année depuis 1997, le Festival de l'Imaginaire propose au printemps une sélection de rituels, jeux ou formes spectaculaires rares, inscrites au patrimoine mondial de l'humanité. Et comme chaque année, j'enrage ne pas être plus disponible en soirée et de rater des événements exceptionnels tel qu'une nuit entière de Wayang Kulit - théâtre d'ombre indonésien - à la Cartoucherie de Vincennes, le 23 mars dernier.
Hier après-midi j'ai découvert le Hayachine Take Kagura à la Maison des Cultures du Monde. Le kagura est un rituel dansé dont les villageois du village de Take (au pied du mont Hayachine - préfecture d'Iwate), se sont réapproprié la pratique en secret, et ont ainsi contribué à sa sauvegarde. C'est à la fois un rituel de purification et un divertissement pour les Dieux et les hommes. Le take kagura se déroule habituellement lors de la fête du sanctuaire de Hayachine (31/07 et 01/08), mais aussi à l'occasion de diverses fêtes annuelles. Les membres de la troupe se déplacent également de maison en maison au printemps, et effectuent notamment la danse protectrice du gongen - incarnation du Mont Hayachine.
Lors des grandes fêtes, les représentations ont lieu sur une petite scène carrée installée à l'entrée du sanctuaire de Hayachine. Celle-ci est délimitée par quatre piquets reliés entre eux par une cordelette à laquelle sont suspendus des origamis sacrés. Cet espace est interdit aux non-praticiens. Sur le devant de la scène dos au public, un tambourinaire, entouré deux joueurs de cymbales, dirige la représentation. Les acteurs-danseurs entrent et sortent en passant sous un rideau sombre en fond de scène, sur lequel sont symbolisés deux grues qui s'affrontent. Un flûtiste et des narrateurs-chanteurs sont cachés derrière le rideau, ce sont les voix des Dieux. Les costumes, accessoires, masques et coiffes des danseurs dépendent du personnage ou de la divinité qu'ils représentent. Il y a cependant des constantes. Quasiment tous portent le kabuto, grande coiffe surplombée d'une poule dont les grandes ailes battent pendant la danse, (J'avoue qu'en ce jour de Pâques, avec mes références chrétiennes/occidentales, ça faisait bizarre) ; et un bâtonnet à grelots et un éventail blanc, coincés dans leur ceinture de kimono lorsqu'ils ne l'utilisent pas. Je suis restée à la fois fascinée et frustrée de ne pas comprendre la superposition des différents tissus qui composent les costumes. J'aurais aimé quelques explications ou une démonstration d'habillage pour compléter ma découverte et assouvir ma curiosité.
Le répertoire de Take compte près de soixante-dix kagura. Les représentations durent plusieurs heures et débutent toutes par six shikimai, rituels de purification et/ou invocations des divinités ou défunts. Elles se poursuivent par des danses appartenant à divers registres : annamai (gracieux et féminins), kaminai (inspirés des origines historiques et mythologiques du Japon), aramai (assimilés à des exorcismes) ou des récits guerriers et des dialogues comiques de kyogen. Elles se terminent invariablement par la danse du lion noir - gongenmai et par un rite d'offrande d'eau, de riz et de saké aux quatre points cardinaux. Personne ne revient ensuite dans l'espace sacré. Lors de l'introduction du spectacle, ce détail a été mis en avant afin que le public occidental que nous sommes ne s'offusque pas que la troupe ne revienne pas saluer.
Le programme proposé se décomposait en sept parties. Chacune était introduite par une brève explication, en surtitrage, du type de répertoire et de l'argument. Ces informations étaient bienvenues mais pas toujours suffisantes. En effet, la quatrième saynète relatait un récit mythologique réputé être à l'origine du kagura, mais j'ai été absolument incapable de suivre l'argument n'étant pas familière avec les symboles, les références et les personnages. Par contre, lors de saynètes plus abstraites, la force de la danse et du rituel permettaient de dépasser la frontière de la compréhension, notamment le gongenmai final. Interprété par un des acteurs-danseurs les plus âgés de la troupe, on assiste ébahi à sa transformation en lion noir, qui expulse les démons d'un claquement de mâchoire.
Origine du kagura : Amaterasu, déesse du Soleil, en colère contre son frère se retire dans une grotte, privant ainsi la terre de lumière et de chaleur. Cherchant un moyen de la faire sortir, Ameno Uzume, divinité de l'aube et de la gaîté se mit à danser de manière lascive et grotesque. L'hilarité des Dieux fut telle qu'Amaterasu intriguée, sortit de la grotte et la lumière revint dans le monde.
Il y a quatre ou cinq siècles, les kagura étaient exécutés par les prêtresses du culte d'Ameno Uzume, puis le rituel devint impérial et inspira des variantes villageoises qui se développèrent à travers tout le Japon. La version d'Hayachine Take remonterait au XVIème siècle. Attribuant un caractère sacré à la montagne d'Hayachine, les villageois construisirent à ses pied un sanctuaire shinto-bouddhique dont les officiants pratiquaient l'art théâtral du kagura. Lors de la séparation entre le shintoïsme et le bouddhisme à l'époque Meiji, le rituel devint interdit mais les habitants du village de Take poursuivirent la tradition en secret.
Hayachine Take Kagura
jusqu'au 1er avril,
à la maison des Cultures du Monde, 101 bd Raspail Paris 6ème
Tarif plein : 22 euros.
En tournée le 3 avril au Trident de Cherbourg
Festival de l'Imaginaire
du 20 mars au 29 juin 2013
www.festivaldelimaginaire.com
Hier après-midi j'ai découvert le Hayachine Take Kagura à la Maison des Cultures du Monde. Le kagura est un rituel dansé dont les villageois du village de Take (au pied du mont Hayachine - préfecture d'Iwate), se sont réapproprié la pratique en secret, et ont ainsi contribué à sa sauvegarde. C'est à la fois un rituel de purification et un divertissement pour les Dieux et les hommes. Le take kagura se déroule habituellement lors de la fête du sanctuaire de Hayachine (31/07 et 01/08), mais aussi à l'occasion de diverses fêtes annuelles. Les membres de la troupe se déplacent également de maison en maison au printemps, et effectuent notamment la danse protectrice du gongen - incarnation du Mont Hayachine.
Lors des grandes fêtes, les représentations ont lieu sur une petite scène carrée installée à l'entrée du sanctuaire de Hayachine. Celle-ci est délimitée par quatre piquets reliés entre eux par une cordelette à laquelle sont suspendus des origamis sacrés. Cet espace est interdit aux non-praticiens. Sur le devant de la scène dos au public, un tambourinaire, entouré deux joueurs de cymbales, dirige la représentation. Les acteurs-danseurs entrent et sortent en passant sous un rideau sombre en fond de scène, sur lequel sont symbolisés deux grues qui s'affrontent. Un flûtiste et des narrateurs-chanteurs sont cachés derrière le rideau, ce sont les voix des Dieux. Les costumes, accessoires, masques et coiffes des danseurs dépendent du personnage ou de la divinité qu'ils représentent. Il y a cependant des constantes. Quasiment tous portent le kabuto, grande coiffe surplombée d'une poule dont les grandes ailes battent pendant la danse, (J'avoue qu'en ce jour de Pâques, avec mes références chrétiennes/occidentales, ça faisait bizarre) ; et un bâtonnet à grelots et un éventail blanc, coincés dans leur ceinture de kimono lorsqu'ils ne l'utilisent pas. Je suis restée à la fois fascinée et frustrée de ne pas comprendre la superposition des différents tissus qui composent les costumes. J'aurais aimé quelques explications ou une démonstration d'habillage pour compléter ma découverte et assouvir ma curiosité.
Le répertoire de Take compte près de soixante-dix kagura. Les représentations durent plusieurs heures et débutent toutes par six shikimai, rituels de purification et/ou invocations des divinités ou défunts. Elles se poursuivent par des danses appartenant à divers registres : annamai (gracieux et féminins), kaminai (inspirés des origines historiques et mythologiques du Japon), aramai (assimilés à des exorcismes) ou des récits guerriers et des dialogues comiques de kyogen. Elles se terminent invariablement par la danse du lion noir - gongenmai et par un rite d'offrande d'eau, de riz et de saké aux quatre points cardinaux. Personne ne revient ensuite dans l'espace sacré. Lors de l'introduction du spectacle, ce détail a été mis en avant afin que le public occidental que nous sommes ne s'offusque pas que la troupe ne revienne pas saluer.
Le programme proposé se décomposait en sept parties. Chacune était introduite par une brève explication, en surtitrage, du type de répertoire et de l'argument. Ces informations étaient bienvenues mais pas toujours suffisantes. En effet, la quatrième saynète relatait un récit mythologique réputé être à l'origine du kagura, mais j'ai été absolument incapable de suivre l'argument n'étant pas familière avec les symboles, les références et les personnages. Par contre, lors de saynètes plus abstraites, la force de la danse et du rituel permettaient de dépasser la frontière de la compréhension, notamment le gongenmai final. Interprété par un des acteurs-danseurs les plus âgés de la troupe, on assiste ébahi à sa transformation en lion noir, qui expulse les démons d'un claquement de mâchoire.
Origine du kagura : Amaterasu, déesse du Soleil, en colère contre son frère se retire dans une grotte, privant ainsi la terre de lumière et de chaleur. Cherchant un moyen de la faire sortir, Ameno Uzume, divinité de l'aube et de la gaîté se mit à danser de manière lascive et grotesque. L'hilarité des Dieux fut telle qu'Amaterasu intriguée, sortit de la grotte et la lumière revint dans le monde.
Il y a quatre ou cinq siècles, les kagura étaient exécutés par les prêtresses du culte d'Ameno Uzume, puis le rituel devint impérial et inspira des variantes villageoises qui se développèrent à travers tout le Japon. La version d'Hayachine Take remonterait au XVIème siècle. Attribuant un caractère sacré à la montagne d'Hayachine, les villageois construisirent à ses pied un sanctuaire shinto-bouddhique dont les officiants pratiquaient l'art théâtral du kagura. Lors de la séparation entre le shintoïsme et le bouddhisme à l'époque Meiji, le rituel devint interdit mais les habitants du village de Take poursuivirent la tradition en secret.
Hayachine Take Kagura
jusqu'au 1er avril,
à la maison des Cultures du Monde, 101 bd Raspail Paris 6ème
Tarif plein : 22 euros.
En tournée le 3 avril au Trident de Cherbourg
Festival de l'Imaginaire
du 20 mars au 29 juin 2013
www.festivaldelimaginaire.com
Inscription à :
Articles (Atom)